extraits du discours de France Gamerre à Nancy

Publié le par Michel Verna

Extraits de son intervention:

Depuis le cri d’alarme du club de Rome en 1972 sur l’épuisement de nos ressources, le constat est clair […]. De nombreux experts établissent des diagnostics, des conférences internationales se tiennent, des Etats définissent des politiques, mais le développement n’est toujours pas soutenable.

La prise de conscience fait cependant son chemin. De fait les questions écologiques progressent dans « top ten » des urgences des français : de la 10ème place en 2002, l’écologie est montée à la 6ème place en 2007.  Mais à ce rythme elle arrivera trop tard sur le podium pour endiguer les risques encourus.

La France avance par bonds successifs et chaque bond est en fait une révolution. A chaque bond important a correspondu un changement profond de notre société. Mais entre deux bonds, c’est l‘immobilisme qui a prévalu.

Faudra-t-il une révolution de plus pour que la France devienne une société écologique ? Ce n’est pas souhaitable.

Il est en effet préférable que toutes les personnes qui sont au commandes prennent à bras le corps ce problème sans attendre un mai 1968 écologique. Contrairement à mai 1968, où les accords de Grenelle ont été la conséquence des désordres sociaux, le Grenelle de l’Environnement devra éviter les désordres écologiques. [ …]

Une politique écologique ne doit pas se résumer à un catalogue d’opérations techniques telles que la  location des vélos en ville, la création de zones piétonnes, la suppression des sacs en plastiques, la mise en place de « contenairs » pour le recyclage Ces opérations contribuent certes à améliorer l’environnement mais restent sectorielles. Jamais la globalité des problèmes écologiques n’a été embrassée. Cette approche globale a toujours paru trop radicale, voire révolutionnaire.

La stratégie de développement durable doit au contraire s’appuyer sur 3 axes :

            - la définition des principes

            - la définition des domaines prioritaires de l’action

            - la définition du type de société que nous voulons

 

Le développement soutenable doit être économiquement viable et moralement acceptable.

 

1. Définir les grands principes d’une politique écologique

 

- Premier principe : le cadrage de l’Etat face à un libéralisme libéré de toute contrainte environnementale.

- Deuxième principe : l’adaptation aux contraintes locales d’environnement. C’est l’Agir localement et le Penser globalement. Le développement soutenable doit prendre en compte et respecter la complexité des phénomènes et la diversité des approches et des lieux.  (Ex : règles de pêche en atlantique et en Méditerranée).

- Troisième principe : que l’intérêt économique rejoigne l’intérêt écologique. C’est par exemple, contrôler les cibles des flux financiers tels les fonds de pension qui sont de véritables plaies pour une politique de développement soutenable. Ils exigent une très forte rentabilité à court terme et quand la place est pillée tant sur le plan des ressources que sur le plan social, ils la quittent.

- Quatrième principe : la subsidiarité de l’Etat. Il y a des domaines utiles à l’environnement mais non rentables qui sont délaissés par les entreprises privées. C’est donc à la communauté de s’en charger. C’est notamment le cas dans le domaine de la santé où l’industrie pharmaceutique ne s’occupe pratiquement plus des recherches sur les antibiotiques mais se focalise sur les médicaments pour les « traitements à long terme » qui sont beaucoup plus rentables. L’Etat devrait négocier avec eux pour qu’un pourcentage de leur activité soit consacré au bien public en échange des largesses qu’il autorise sur certains autres médicaments.

- Cinquième principe : la recherche. Nos responsables sont tout étonnés de voir les retards pris par les capteurs solaires, par les batteries pour les véhicules électriques ou par les moteurs hybrides alors que les crédits de recherches dans ce domaine ont été quasiment supprimés depuis les années 1983-1985. Il faut être cohérent. Sans recherche, il n’y aura pas d’économie prospère.

- Sixième principe : la gouvernance. Il n’y a plus un seul centre de commande de la société, ni un bouton sur lequel on appuierait pour la modifier. Cette vision mécaniste est dépassée. Le développement soutenable doit intégrer de nouvelles pratiques politiques et de nouvelles méthodes d’évaluation. C’est peut-être ce qu’on appelle « la méthode Borloo » espérant qu’elle sera un puissant levier pour mettre en œuvre ces principes du développement soutenable.

 

2. Définir les grands domaines de l’action collective

Dans mon ouvrage  « l’Eco génisme », je propose 7 urgences et les actions qui me paraissent majeures. Elles correspondent d’ailleurs à celles arrêtées pour le Grenelle de l’environnement. J’en retiendrai 4 :

 

A) La lutte contre le réchauffement climatique

 

Elle doit se focaliser sur la politique énergétique, noyau dur de l’économie :

-          Définir une politique énergétique française laissant une part plus importante aux énergies renouvelables, c’est « le plan 50 » dont l’objectif est d’atteindre une indépendance énergétique (hors énergies fossiles) globale de 50% en 2017 soit 2 quinquennats.

-          Unir les forces européennes autour d’une politique d’approvisionnement commun en évitant les situations quasi monopolistiques.

-          Repenser notre système de consommation, faire la chasse au gaspillage individuel et collectif.

Ce sont les axes forts qui bien sûr se déclinent dans des propositions plus précises, tant au niveau des transports que de l’habitat.

B) Réconcilier l’économie et l’écologie, c’est ce que j’appelle « l’éco génisme »

 

L’économie doit tenir compte de l’environnement et ne pas se résumer à un plan comptable. Il est évident qu’il faut dès à présent établir la réalité des prix et le coût d’un produit doit tenir compte aussi de son coût environnemental (le plus polluant plus cher que le moins polluant).

Enfin, certaines richesses appartiennent à l’humanité toute entière, et donc une des priorités, c’est de s’accorder sur la nature et la gestion des biens publics mondiaux, c’est à dire ceux qui ne se renouvellent pas et qui bénéficient à tous.

 

C) La protection de la biodiversité

 

[…] Parmi les points forts figurent l’interruption des cultures OGM en plein champ. Pour autant, la recherche en milieu clos doit être poursuivie.

 

D) L’aménagement du territoire et la gestion de la mer

 

S’il y a eu quelques  efforts pour l’aménagement du territoire, on ne peut pas dire que la protection de la mer et du littoral ait beaucoup évolué.  Et pourtant la France est dans les dix premières nations pour l’importance de son littoral et sa biodiversité marine. Il faudra certainement un « grand Ministère de la mer » comme dans les pays où la culture maritime (Angleterre, Australie, Nouvelle-Zélande, Scandinavie, Japon, etc…) est très forte. Songeons que ni les côtes métropolitaines ni les côtes des Antilles ne sont encore équipées d’un « système d’alerte aux Tsunamis » alors que ceux-ci sont d’un coût très modeste : 2,5 Millions d’Euros, soit la moitié de l’argent dépensée pour l’intronisation de tel ou tel candidat.

 

Enfin relever le défi de la santé de la recherche et de l’éducation n’est-il pas aussi une des premières urgences ? Sans recherche il n’y a pas de progrès et sans éducation il n’y aura pas de politique écologique durable ni d’égalité  des chances.

L’écologie qui doit échapper à la logique exclusive du bénéfice financier ne pourra exister sans l’avènement de l’ « homo-écologicus », c’est à dire sans un apprentissage de l’écologie.

 

3. Quelle société ?

 

Pour moi le rêve américain de John Ford d’une société de consommation illimitée doit laisser place l’équilibre.à une société économe et autosuffisante, visant

Mais pour cela il faudra vaincre un certain nombre d’obstacles qui freinent l’avènement de cette société : les attentes contradictoires de la population, le poids des habitudes, les profiteurs du système actuel, les médias et l’ampleur des problèmes écologiques.

 

Tous ces freins sont-ils bloqués pour toujours ?  Je ne le crois pas. Il faudra les desserrer les uns après les autres. […]

4. Quelle doit être la place de l’Ecologie politique ?

[…] On pourrait en discuter longuement, mais le problème est en fait de savoir si ceux qui dirigent notre pays et qui ont la mainmise totale sur l’appareil d’Etat et sur les médias, considèrent les partis écologistes comme des partenaires potentiels ou, au contraire, comme des adversaires réels. C’est à eux de le dire.

Pour l’heure on a le sentiment très net que les partis généralistes préfèrent les associations écologiques subventionnés par l’Etat plutôt que les partis écologistes.

Pour moi, c’est une erreur car si les associations écologiques ne sont pas concurrentes des partis au pouvoir sur le plan électoral, elles ne s’engageront pas sur le plan politique le moment venu, alors que les écologistes politiques qui sont souvent sont des partenaires fiables dans la gestion politique au plan local pourraient l’être aussi au plan national.

Des lors se pose le problème de l’avenir des écologistes politiques. Trois voies s’ouvrent a eux :

-Refonder un seul parti écologiste ayant la taille suffisante pour peser sur la politique de l’état,

-Rentrer dans les partis généralistes et participer aux débats internes

-Abandonner le champ politique et adhérer à l’une ou l’autre des milliers d’associations d’environnement.

 

-Refonder un parti écologiste avec une seule idéologie, une seule ligne politique (celle du développement durable) et un seul drapeau aurait pour avantage de garder intacte la culture écologique. Mais cela suppose une ouverture d’esprit et un désir de collaboration que n’ont pas tous les écologistes français.

 

-S’associer avec un parti généraliste : Cela est possible s’il s’agit d’un parti de taille raisonnable, dans lequel les écologistes et leurs idées seront discutés et prises en considération car l’expérience a montré que les écologistes qui sont rentrés dans les grands partis ont complètement disparus dans la Nature et que leurs idées ont été envoyées directement à la décharge.

 

-Abandonner le champ politique et entrer dans le milieu associatif : c’est ce qu’ont fait un grand nombre d’écologistes dégoûtés de la politique. Mais cela n’a rien apporté au plan politique si ce n’est une caution dans certains cas. Mais cette caution n’est pas une garantie d’avenir.

 

Voilà où j’en suis dans mes réflexions et dans le débat interne du parti que je préside. Nous devrons prendre position car le statu-quo actuel ne mène à rien.

Publié dans France GAMERE 2007

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